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DE SADE.

fût tenu à son premier livre ; mais ce premier ouvrage lui en commande un autre. À peine ce roman est-il achevé que voilà son exécrable auteur qui, en le relisant, se dit à lui-même qu’il est resté bien au-dessous de ce qu’il pouvait faire. Il a été trompé par son exécrable imagination : il la croyait à bout, et elle se réveille de plus belle ; il croyait avoir fait un chef-d’œuvre, et il n’a fait qu’une œuvre d’écolier. Il a décimé l’espèce humaine, il veut l’immoler en entier ; il n’a déshonoré que les hommes et les femmes de la France, il veut déshonorer le monde. Et sur le champ il recommence de plus belle. Ô l’horrible et infâme lutte de cet homme avec lui-même ! Qu’a-t-il pu dire dans son second livre qu’il n’ait pas dit dans le premier ? qu’a-t-il pu faire qu’il n’ait pas fait ? quels supplices nouveaux a-t-il inventés, quelles horreurs nouvelles ? quelle est la tombe qu’il n’ait pas souillée ? quel est le roi ou le pontife qu’il n’ait pas immolé à sa rage ? Le malheureux ! il accuse