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LE MARQUIS

Paris, on lui fit épouser Mlle de Montreuil, fille d’un président à la cour des aides, pauvre jeune fille douce, aimable, jolie, vertueuse, timide, qui croyait n’épouser qu’un officier de cavalerie et qui épousait le marquis de Sade !

On ne peut comparer aucune époque de notre histoire à la fin du 18e siècle, cette solennelle époque d’esprit, menée si grand train à sa perte par Voltaire, son souverain maître et son grand pontife. Je ne crois pas qu’il y ait eu à aucune époque autant d’esprit et autant d’insouciance pour l’avenir. C’est une époque toute brûlée par l’amour et par le luxe, où chacun joue sur un dé ce qui lui reste, celui-ci son grand nom, celui-là sa grande fortune, cette autre sa jeunesse et sa beauté ; où le Roi joue son trône, où le prêtre joue son Dieu ! Et quels étaient les enjeux de ce hasard horrible ? un moment d’ivresse, les palpitations d’un quart d’heure, quelques applaudissements ironiques venus de Ferney, voilà tout !