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vres ; vaisselle de cuivre ou d’argent chez les riches… Les serviteurs nombreux font circuler à la ronde une large coupe, et dans cette coupe d’argile ou d’or, selon la fortune du maître, les convives peuvent s’abreuver soit du vin généreux de la Gaule, soit des vins plus recherchés de l’Italie, ou tout au moins de bière et d’hydromel. Dans les repas d’apparat, la table est ronde (ce point est à noter), les convives se rangent en cercle tout autour. La place du milieu est réservée au plus brave, au plus noble, au plus riche. À côté du roi de la table s’assied le maître du logis, et ensuite chaque convive prend sa place d’après sa dignité personnelle et sa classe : c’est là le cercle des patrons. Derrière ceux-ci se tient, attentif et silencieux, le cercle des fidèles, compagnons d’armes des chefs militaires. Une rangée de ces fidèles porte les boucliers ; l’autre rangée porte les lances ; tous sont traités comme leurs maîtres eux-mêmes : ainsi l’exige l’hospitalité gauloise. »

Le repas était suivi d’une fête ; la fête rappelait de son mieux les joies de la guerre ; les convives s’amusaient à lutter de force et d’adresse ; peu à peu le jeu s’animait, ce qui avait commencé, comme un duel à armes courtoises devenait bientôt une bataille véritable ; les coups étaient portés en pleine poitrine ; à la fin, la colère se mêlait au vin, le feu montait au regard, et si vous ne vouliez pas qu’un des convives restât sur la place ensanglantée, il fallait séparer les combattants. Tels étaient les plaisirs des hommes ; le vin et le sang, le festin et le carnage. Que devenait cependant la femme gauloise ? Elle restait la femme dévouée, sérieuse, fidèle ; elle gardait dans sa pureté et dans son respect le foyer domestique ; elle nourrissait l’enfant, elle était la joie modeste et sainte de la maison. Du reste, la condition de la femme gauloise ne se peut comparer en rien à la condition précaire de la dame romaine. La femme gauloise est amie de son mari, non une esclave ; elle obéit, mais elle obéit comme une femme née pour commander. Le bien est commun entre les deux époux, et cette égalité seule est déjà pour la femme un témoignage de déférence et de respect. En quoi donc ces élégances gauloises et presque romaines, cette magnificence héroïque, ces fêtes même et ces luttes brillantes où le génie guerrier reparaît dans les fumées du vin ; en quoi donc, je vous prie, cette sage constitution de la famille, la chasteté gardienne du foyer domestique, ces femmes laborieuses et respectées, ressemblent-elles à la barbarie ? En un mot, où se rencontre l’état sauvage en tout ceci ?