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nous en reparlerons tout à l’heure ; ils tenaient le premier rang dans la hiérarchie ; après le prêtre venait le noble, entraînant, comme un témoignage de son autorité, une troupe nombreuse et fidèle de compagnons inféodés à sa personne. L’éclat des services, la grandeur du courage, pouvaient donner la noblesse gauloise ; la noblesse était héréditaire ; les nobles composaient une classe à part. Après les prêtres, après les nobles, tout au bas de l’échelle sociale et placé dans une quasi-servitude, comme disent les Commentaires, se tenait le peuple. Le peuple ne pouvait rien par lui-même, il n’avait pas de place au conseil, et cependant, qu’on y prenne garde, le peuple gaulois avait son influence dans les affaires de la nation. Tout comme à Rome, si les nobles seuls exerçaient directement le pouvoir, la souveraineté résidait dans les mains des hommes libres. — « Telle est, disait le roi des Éburons aux Romains, telle est la nature de mon autorité : la multitude a autant d’autorité sur moi, le roi, que moi sur elle. » — La condition de cette multitude était loin d’être la même pour tous ; les uns (les petits propriétaires) s’engageaient, en qualité d’ambacte ou de soldure, au service de quelque guerrier puissant ; telle était la condition de ces soldats volontaires, s’il faut en croire Jules César, qu’ils jouissaient de tous les biens de la vie, protégés par les capitaines à qui ils s’étaient consacrés par un pacte d’amitié. Les autres, comme les liti germaniques et certains colons du moyen âge, étaient soumis à de plus dures conditions ; les patrons exerçant sur un grand nombre presque tous les droits du maître sur l’esclave. Cependant ce n’était pas là, tant s’en faut, la servitude telle qu’elle existait à Rome, mais, ainsi que l’a démontré notre savant maître, un véritable servage tout pareil à la condition des serfs du moyen âge. En effet, ce système de recommandation pratique porte en lui-même son caractère, et doit nous servir à retrouver, d’une façon incontestable, l’origine des bénéfices et la conversion des alleux en bénéfices ; ce système adopté et reconnu comme loi de l’État, parmi les nations de race gauloise, était déjà établi dans la plus haute antiquité. César, durant la guerre des Gaules ; et le prêtre marseillais Salvien, dans son livre du Gouvernement de Dieu, attestent ce fait de la manière la plus formelle, d’où il suit que le régime politique de la Gaule, à l’époque où César en fit la conquête, différait peu du système qui régissait ces contrées sous les premiers rois mérovingiens.

Pour ce qui regarde les mœurs et le gouvernement des Gaulois, il