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les joies opulentes du fanage. En revanche, vous rencontrez à chaque pas les antiques usages, les vieilles mœurs, la chaumière bretonne.

« Dans la Bretagne, dit Cambri qui écrivait en 1794, l’habitation des laboureurs est à peu près partout la même, presque toujours elle est située dans un fond, près d’un courtil. Un appentis couvert de chaume conserve les charrues et les instruments du labourage ; une aire découverte sert à battre les grains. Autour des bâtiments règnent des vergers enchanteurs, des champs et des prairies toujours entourés de fossés couverts de chênes ou de frênes, d’épines blanches, de ronces ou de genêts ; on ne voit point, dans le reste du monde, de paysages plus riants et plus pittoresques. Tous ces fossés sont tapissés de violettes, de perce-neige, de roses, de jacinthes sauvages, de mille fleurs des couleurs les plus vives, d’une incroyable variété ; l’air en est parfumé, l’œil en est enchanté. »

Dans ces humbles maisons percées comme autant de nids dans les fleurs, le paysan breton abrite d’un côté sa femme, ses enfants, sa famille entière, et l’autre côté est réservé à son cheval, à sa vache, aux animaux domestiques. « Ces maisons n’ont pas trente pieds de long sur quinze de profondeur ; une seule fenêtre de dix-huit pouces leur donne un rayon de lumière, et éclaire un bahut, sur lequel une énorme masse de pain de seigle est ordinairement posée sur une nappe grossière. Deux bancs ou plutôt deux coffrets sont établis le long du bahut, qui sert de table à manger. Des deux côtés d’une vaste cheminée sont placées de grandes armoires sans battants, à deux étages, dont la séparation n’est formée que de quelques planches, où sont les lits dans lesquels les pères, les mères, les femmes et enfants entrent couchés ; car la hauteur de ces étages n’est quelquefois que de deux pieds. Le reste de leurs meubles est composé d’écuelles de bois, de quelques assiettes d’étain, d’une platine à faire les crêpes, de chaudrons, d’une poële et de quelques pots à lait. Je n’ai point parlé du parquet, jamais il n’est carrelé, ni boisé, ni pavé. C’est simplement de la terre battue. »

Pauvres et calmes chaumières ! Et pourtant la joie et l’amour peuvent habiter même sous le chaume breton ; cette pauvre maison a sa part dans la poésie des hommes ; la veillée ne manque pas de médisances, de bonnes paroles, d’effrayants récits, de poésies chantées. — Les jeunes fileuses se réunissent le soir, et charment la veillée en causant. — Le jour où l’on tue le cochon est un jour de fête