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bien pavées, ses barrières, ses remparts ; quand elle eut conquis ses priviléges, quand elle eut sa maison commune, son maire, ses échevins, son lieutenant, ses députés aux états de la province, sa douane ; ses fermiers généraux, ses navires tout chargés qui viennent de l’Inde ou de la Chine, la ville nouvelle voulut avoir ses armoiries, et elle s’adressa à M. d’Hozier, qui lui donna en effet ces armes parlantes : De gueules à un vaisseau d’argent, voguant sur une mer de sinople ; et un soleil levant derrière des montagnes d’argent.

En-moins d’un quart de siècle ; la ville compta quatorze mille habitants ; sur ses quais superbes furent construits des hôtels magnifiques, de gracieuses maisons s’élevèrent dans les campagnes. La compagnie fondée par Louis XIV apportait chaque jour de nouvelles richesses. dans la cité florissante. Des navires chargés des produits des deux mondes sortaient chaque jour du port de Lorient ; chaque jour, dans le Port-Louis (l’anse du Blavet) entraient de nouveaux navires. De cette ville si jeune, partaient des flottes et des armées, la terreur des Indes orientales, soumises à notre commerce autant qu’à nos armes. De Lorient est parti M. de La Bourdonnaye, pour conquérir la côte de Coromandel. Quiconque voulait faire sa fortune, matelot, soldat, marchand, voyageur, chercheur de nouvelles idées ou de nouveaux mondes, accourait à Lorient, offrant à la compagnie puissante le concours de son bras ou de son génie. Un de ces aventuriers s’appelait Anquetil Duperron ; il rapporta à son retour, noble récompense de ses dangers, les livres de Zoroastre. — L’Europe entière s’inquiéta de ce nouvel effort tenté si heureusement sur le rivage de la Bretagne ; l’Angleterre surtout en prit un grand ombrage ; à tout prix elle voulait ruiner cette ville de Lorient, qui menaçait de devenir l’entrepôt des richesses de l’Inde. — Une descente est résolue ; les Anglais arrivent au nombre de sept mille hommes, commandés par le général Sainclair. Comme ils trouvent que la ville est imprenable, ils débarquent à la baie du Pouldu, à trois lieues de Lorient, et après une première attaque, le fort du Pouldu promet de se rendre demain, au point du jour. Au point du jour, les tambours de la garnison, au lieu de battre la chamade, battent la générale ; le général anglais s’étonne, il s’inquiète ; au même instant le vent change ; bref, les Anglais se retirent en toute hâte, au grand étonnement des assiégés, tout prêts à se rendre. On avait été aussi brave et aussi avisé des deux parts.

Battus de ce côté, les Anglais vont attaquer Lorient dans les