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où dix-sept églises bretonnes existaient encore au septième siècle autour du monastère de Maxime[1].

Où en était cependant l’île de la Bretagne ?

Privée des bras qui la pouvaient défendre, elle était restée abandonnée à toutes les insultes des barbares. En vain elle appelait à son aide les jeunes Bretons qui avaient suivi Maxime ; en vain eût-elle appelé les Romains, occupés à se disputer ce qui restait de l’empire du monde ; abandonnés à eux-mêmes, ces peuples se firent libres (409), pour avoir au moins leur liberté à défendre contre les barbares. D’abord cette résistance ne fut pas sans quelques succès. Les Pictes, les Scotts, sentirent le courage des Bretons ; mais le moyen de se défendre contre le flot qui monte toujours ? Repoussés ; les Pictes revenaient, et les Scotts, et avec eux les pirates de race germanique. Il fallut qu’à la fin Rome elle-même envoyât des troupes dans l’île de Bretagne, car la Bretagne se sentait impuissante à chasser toutes ces hordes qui l’assiégeaient, et en désespoir de cause, elle appelait l’empire romain à son aide ; en effet, mieux valait être Romain que barbare. Mais lorsque les Romains, après avoir relevé le mur construit naguère par Sévère et renversé par les barbares, furent contraints de quitter pour jamais ces rivages, à la suite d’une dernière victoire remportée sur les Pictes, ils déclarèrent aux Bretons que désormais ils eussent à se défendre et à se protéger eux-mêmes. Rome, occupée à sa propre défense, ne pouvant rien de plus pour ces peuples placés au bout du monde. Ainsi partirent, de la Bretagne insulaire, les derniers soldats de Rome ; ils se sauvèrent comme des soldats que tout décourage et même la victoire, et qui d’ailleurs s’inquiètent peu d’une île perdue, d’un peuple impuissant à se défendre. À peine la dernière voile romaine disparaissait dans le lointain, que soudain, dans cette île abandonnée, reparaissent les montagnards. Cette fois ils sont les maîtres ; la Bretagne ne peut plus se défendre ; tous ses soldats sont morts ou sont allés chercher des destinées nouvelles ; Rome n’est plus là pour chasser les barbares. Entendez cependant les faibles restes de ces populations naguère indomptables, voyez-les tendant aux Romains qui s’enfuient leurs mains suppliantes, et implorant l’appui des légions d’Aétius : « Les barbares nous refoulent vers la mer ; et la mer nous repousse vers les barbares ! Alternative horrible, et le fer qui extermine, plus loin le flot qui engloutit ![2] »

  1. C’est dans la collection des conciles d’Espagne que M. de Courson a retrouvé les preuves de ce fait, qu’il était important de rétablir.
  2. Gildas, De excidio Britanniæ, cap. xvii