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courages qui donnaient l’exemple aux peuples à venir, la Bretagne cite, avec un orgueil reconnaissant, saint Alban et deux généreux citoyens de Kaerléon, Julius et Aaron. Les bourreaux, lassés, s’avouèrent vaincus par tant de courage ; le christianisme grandit, fécondé par ce noble sang. Longtemps spectateur de ces violences qu’il ne pouvait empêcher, Constance fut enfin proclamé empereur, et aussitôt il laissà en paix ces consciences patientes et convaincues. Délivrés de la persécution, les Bretons payèrent à Constantin la dette de reconnaissance qu’ils avaient contractée envers son noble père ; aussi se trouvèrent-ils dévoués et fidèles, quand il fallut chasser Maxence. Ces Bretons vainqueurs de Maxence, s’il en faut croire Guillaume de Malmesbury, auraient reçu comme récompense de leurs services des terres à cultiver. et à défendre dans la péninsule armoricaine. Mais ce fut surtout vers la fin du quatrième siècle (383) que l’Armorique se remplit d’insulaires. Comme nous l’avons dit, Gratien avait soulevé contre sa faible autorité les légions romaines, indignées de la préférence que le jeune empereur accordait aux barbares. Les troupes qui tenaient garnison dans l’île de Bretagne, se voyant abandonnées à elles-mêmes et regrettant les joies de Rome, ou, mieux encore, la vie abondante et facile de l’Orient, mirent à profit les défections qui entouraient l’empereur, pour revêtir de la pourpre leur général, nommé Maxime. Maxime accepta ce grand titre que lui décernait toute une armée, et du même pas il passa dans la Gaule, à la tête de ses légions et d’une foule de jeunes Bretons accourus sous les drapeaux de ce hardi aventurier, qui promettait de les mener en triomphe jusqu’au palais des Césars. Ces Bretons insulaires étaient intrépides, ambitieux. Le chef ou conan de leur nation qu’ils s’étaient choisi, s’appelait Mériadog. Un historien moderne, d’un esprit très-ingénieux, a tenté de prouver que l’existence de ce conan était une fable, et qu’il était impossible de retrouver la trace de la donation qui fut faite par Maxime, à ce prince imaginaire des terres désertes de l’Armorique ; un autre historien, non moins persuasif, a répondu à ces assertions faites avec art par des preuves heureusement trouvées. Nous n’avons pas le droit de nous mêler à ces débats historiques, nous écrivons pour raconter, et non pas pour prouver : ad narrandum, non ad probandum ; seulement il nous semble que tout bien considéré ; il ne serait guère facile de nier que Maxime, le meurtrier du jeune Gratien, ait en effet établi des Bretons, non-seulement dans la péninsule armoricaine, mais encore de l’autre côté des Pyrénées,