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mollesse débordent de toutes parts dans ces contrées primitives ; les poésies efféminées, les licences, des temples profanes, les portiques où l’on causait d’art et de poésie, les bains, les théâtres, tout l’attirail des corruptions dont parle Juvénal, envahissent la province souillée.

« Insensés ! s’écrie Tacite, (après avoir loué son héros), qui ne s’apercevaient pas que toutes ces élégances formaient comme une partie de leur servitude ![1] »

Plus encore que tous ces vices, la bataille des monts Grampiens, gagnée sur les Calédoniens de Galgacus, consolida la puissance romaine dans la Bretagne.

Cependant, après le départ d’Agricola, Les tribus du Nord n’avaient pas tardé à franchir les forts dressés entre les deux détroits. En moins d’un demi-siècle, la situation de l’île devint si précaire, que l’empereur Adrien se vit contraint de faire, en personne, une campagne contre les Bretons. Un monument construit par les ordres de ce prince a bravé jusqu’ici les ravages du temps : nous voulons parler du rempart qu’il fit élever, à partir de la baie de Solway, sur la côte occidentale, jusqu’à l’embouchure de la Tyne, sur la côte orientale. Un peu plus tard, Lollius Urbicus, pour résister aux attaques des Ordovices et des Brigantes, fit élever une autre muraille de plus de trente mille pas d’étendue ; à ce rempart il donna le nom de mur d’Antonin,

Si l’obstacle était grand, il ne put guère arrêter les ravages exercés par les tribus indépendantes de la Bretagne. L’empereur Sévère, dont les lieutenants réclamaient à grands cris la présence, fut obligé de traverser le détroit à la tête d’une armée formidable. Il arrive ; battus par lui, les Calédoniens implorent la paix du prince irrité ; Sévère pardonne, et cependant il fait construire, à la place du mur de gazon élevé sous Adrien, une muraille toute en pierré, haute de douze pieds ; et dont les fondations variaient de deux à trois verges[2].

À partir de cette époque jusqu’au règne de Gallien, l’histoire ne fait plus mention de là Bretagne. L’état de trouble et de faiblesse dans lequel se trouvait l’empire à la fin du troisième siècle inspira de nouveaux projets de pillage et de dévastation aux barbares qui, sous le nom de Francs et de Saxons, ne cessaient de ravager le littoral des contrées que baigne l’Océan. Pour s’opposer à ces hordes sauvages que poussait le pressentiment de l’avenir, Dioclétien fit équiper une

  1. Tacit. Agric. XXI.
  2. Bed. hist. I, xii.