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les confédérés, mais il ne réussit pas plus que ses devanciers à faire rentrer dans le devoir ces peuples belliqueux et indépendants[1].

Aétius, furieux d’une résistance dont il lui était impossible de prévoir le terme, prit enfin le parti d’exterminer ce peuple. Il avait établi, peu d’années auparavant, une colonie d’Alains sur les bords de la Loire, pour tenir en respect les bagaudes armoricaines. Ce fut au chef de ces païens, nommé Éocarik, que le patrice romain confia la mission de châtier l’Armorique.

La confédération, attaquée à l’improviste, allait être infailliblement écrasée, lorsque Dieu lui suscita pour défenseur saint Germain d’Auxerre. Germain, descendant d’une famille sénatoriale, avait étudié la jurisprudence à Rome, et plaidé avec un grand succès. Revenu à Auxerre, son pays, avec le litre de duc et de commandant des troupes que la révolte de l’Armorique obligeait d’entretenir dans ces provinces, il y vivait en grand propriétaire gaulois, ne s’occupant guère que de chassé quand son service ne l’appelait pas aux armées. Mais cet homme, marqué du doigt de Dieu, était réservé à de plus hautes destinées[2]. Un jour qu’il était entré armé de toutes pièces dans la basilique d’Auxerre, Amator, évêque de cette ville, vint à lui, et lui ayant fait déposer ses armes, il le prit par la main et le proclama son successeur. Après la mort d’Amator, Germain, malgré sa résistance et ses supplications, fut en effet élevé à l’épiscopat. Depuis ce jour une transformation complète s’opéra dans les habitudes du nouvel évêque. Il ne vivait plus que de pain d’orge qu’il pétrissait lui-même ; l’eau de la citerne était toute sa boisson. Un cilice avait remplacé le brillant costume du chef militaire.

L’évêque d’Auxerre revenait de l’île de Bretagne, où il avait confondu l’hérésie pélagienne et relève les espérances des Bretons assaillis par les barbares, lorsque les députés de l’Armorique rencontrèrent le saint prélat. Malgré toutes les fatigues qu’il venait d’éprouver, saint Germain n’hésita pas à se mettre en marche pour aller trouver le roi des Alains.

« Devant ce roi, ministre des idoles, s’écrie le biographe du saint évêque dans un beau moment d’enthousiasme et de respect, devant ce peuple si belliqueux se présente un vieillard ; le vieillard est sans armes, il est seul, mais fort et plus puissant qu’eux tous par le divin secours du Christ. Il emploie d’abord les supplications à

  1. Sid. Apoll. Carm.
  2. Constant, in Vit. sancti Germani, l. II, ch. v.