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de mouvement, d’invasion, et l’on dirait qu’ils entendent sans cesse retentir à leurs oreilles ce grand mot de Bossuet : Marche ! marche ! marche encore ! Enfants naïfs d’un peuple nouveau, ils ont tout le courage et toute la grâce de l’enfance : rien ne les trouble, rien ne les étonne ; pour eux le grand malheur, ce serait de reculer devant un obstacle, même pour le mieux franchir. Ils veulent être les maîtres, par vanité, non par ambition ; ils veulent tout conquérir, par orgueil, non par nécessité ; car ils n’ont besoin de rien, et pourvu que le ciel ne tombe pas sur leurs têtes, ils sont contents. Qui a voulu se poser sur leur terre a été chassé tout au loin, témoin les Ibères, refoulés par les Celtes jusqu’aux Pyrénées. Vous avez vu passer dans les Gaules, pâli par les excès de la débauche et du travail, ce fabuleux Jules César ; dites-nous si vous n’êtes pas restés épouvantés devant tant de vices, tant de courage, d’éloquence et de génie ? Dans les derniers temps de son séjour dans les Gaules, Jules César s’attachait uniquement à cultiver la bienveillance des cités, à leur ôter tout désir et tout prétexte de reprendre les armes, car il ne voulait pas, à la veille de quitter le pays conquis, courir les chances d’une guerre nouvelle. Voilà par quels motifs, pris dans la peur même du conquérant, les Gaulois furent traités tout autrement que ne l’avaient été Les habitants de la Narbonnaise. César, en effet, n’établit pas de colonies militaires dans la Gaule, et ces mêmes peuples, dont le courage, même abattu, tenait Rome en respect, ne furent dépouillés ni de leurs terres ni des formes essentielles de leur gouvernement.

Bien plus, les faveurs les plus éclatantes furent prodiguées aux vaincus. Le sénat romain vit un jour, non pas sans stupeur, les fils de Brennus quitter les braies nationales pour venir prendre place, vêtus du laticlave, à côté des fiers descendants de Camille, de Quintus Maximus, et de vous tous, les anciens vainqueurs des Gaulois.

Par cette politique habile (la seule qui puisse convenir aux véritables grands hommes), César enchaîna la bouillante indépendance des peuples domptés. Ils accoururent en foule sous les drapeaux du dictateur. Lui-même il nous apprend qu’en marchant sur Rome avec la petite armée qu’il avait sous ses ordres, il fut rejoint, non loin du Rubicon, par deux cohortes levées dans les Gaules.

En Afrique, à Alexandrie, en Espagne, le Gaulois se battait loyalement pour la cause de Jules César. Toutes les douleurs, toutes les calamités de la patrie, ils les oubliaient sur les champs de bataille ;