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dont Dieu ait l’âme. » C’est une belle histoire à écrire et à entendre, cette histoire de Bretagne. Dieu vienne en aide à notre esprit !

C’est ainsi que les vieilles pierres druidiques, longtemps négligées comme les vains caprices d’un peuple enfant, sont devenues autant de pages d’une histoire sérieuse, importante, et pour ainsi dire authentique.

Rien qu’à voir ces monuments d’une simplicité si grande, ces dalles grisâtres en guise d’autel, ces vieux chênes qui devenaient tout un temple, on comprend quel grand peuple a passé dans ces campagnes. Quant à deviner le dieu qu’ils ont adoré, de ce dieu-là les Celtes n’ont pas laissé l’image ; à peine s’ils ont laissé le nom : il s’appelait Teutatès. C’est le nom du dieu pacifique qui présidait à l’agriculture et aux beaux-arts ; le dieu de la guerre s’appelait Hésus, du mot celtique goez[1].

Au reste, chaque dieu des Celtes avait son nom, ses attributs, ses fantaisies. Le dieu qui présidait à la joie, qui avait apporté la vigne dans les Gaules, le Bacchus gaulois, avait nom Kernunos, du mot celtique korn ; et l’on sait en effet que le Bacchus venu de Phénicie portait des cornes. Le dieu d’où venait l’inspiration poétique avait aussi son nom propre, et il tenait sa place à côté des deux autres. Quant aux divinités secondaires, les génies inférieurs, les fées, le lutin familier, les farfadets, tous les petits génies qui président à la poésie populaire, ils avaient noms Drac’', Gripi, Fada. Ces peuples adoraient aussi l’eau et le feu, la terre et les vents, et les montagnes. Chacune de ces divinités avait ses prêtres ; parmi les prêtres, les uns étudiaient les lois naturelles, les autres s’occupaient de l’histoire vivante des temps passés ; ils rappelaient dans leurs chants la mémoire des héros, ils célébraient les vainqueurs de la bataille, ils chantaient l’hymne funèbre ; la jeunesse prêtait l’oreille à ces chants de guerre et sentait s’allumer son courage aux récits des exploits de leurs pères. Après les bardes, venaient les sacrificateurs, et au-dessus de tous ces prêtres, les druides[2].

Les druides étaient les sages de la nation. Ils étaient les maîtres de la loi, les chefs de la justice, le conseil de ces peuples, la loi vivante,

  1. Forêt qui fait es par contraction, ou du mot euz terreur.
  2. Le nom de druide est derwidda en langue kimrique, il dérive du mot par lequel les Gaulois désignaient le chêne, c’est-à-dire derv en kimrique, deru en armorique, et duer en gaélique. Il est à remarquer que Diodore de Sicile traduit druides par un mot grec qui signifie hommes des chênes.