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dolmen incliné, le plus curieux de la contrée. Sur les côtes de Kerlouan, tout au sommet de la stérile colline, vacille sur son pivot, aussi agitée que les genêts de Saint-Yvi, une immense pierre vacillante posée, pointe pour pointe sur le roc vif : miraculeux équilibre, pivot de diamant qui ne s’est pas encore usé ! À Plouescat, entre la chapelle de Brelevenez et le village de Cléder, la pierre des sacrifices contient un bassin carré. — Mais qui pourrait compter tous les vestiges laissés par ses premiers prêtres sur cette Bretagne croyante et sauvage ? La plaine de Tregune, à elle seule, suffirait à fatiguer toute une académie d’antiquaires. Dans tout le cours de cette histoire, nous rencontrerons bien d’autres débris de la même époque et de l’époque romaine, et les vestiges du moyen âge, et toutes les ruines qu’entraînent après elles la guerre et l’émeute. Le monument druidique est resté dans ces campagnes reculées, sinon un monument sacré, du moins un objet de vénération et de respect. Sous ces larges toits de granit, aujourd’hui chargés de mousse et de lichens, le paysan breton s’abrite contre l’orage, non pas sans dire sa prière à la bonne Vierge, la patronne de tous les humbles cœurs ; priant ainsi, le Breton ne songe ni aux Celtes, ni aux druides, ni au sang des victimes immolées ; il a peur du mauvais génie habitant de ce lieu ; il évoque le couriquet ou le couril, caché dans ces ruines ; il se le figure porté sur deux ailes de chauve-souris ; tête difforme, sourire malin, poussant de petits cris d’ironie et de joie. Malheur à qui tombe dans la danse infernale de ces malins génies ! Il faut aller encore, il faut aller toujours ; il a beau résister, le tourbillon l’emporte ; les malins diables l’enlacent dans les anneaux de leur queue traînante. Trop heureux encore de se tirer d’affaire, une fourche à la main, en récitant ces paroles cabalistiques :


Les hi, les han !
Baz ann arar a zo gant han ;
Les han, les hi !
Baz ann arar a zo gant hi.
Laisse-la, laisse-le, laisse-le, laisse-la,
Le bâton du char le voilà.


Vous savez l’histoire du petit tailleur de Coad-Bily. Il était si bossu, si trapu, si chevelu, si barbu, qu’il dit un jour : « Pourquoi donc n’irais-je pas danser au clair de la lune avec les couriquets, les cournils, les cournicanets ? » Il dit, et il va. Justement la lune était sombre, le vent bruyant, la bruyère agitée, les follets un peu moins fous