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Finistère. La plate-forme du monument est portée sur seize pierres verticales ; le monument n’a pas moins de quarante-trois pieds de long sur six pieds et demi de large. — Lieu sauvage tout rempli de silence et de mystère ! pas un troupeau et pas un pâtre ; pas une cabane dont l’ondoyante fumée vous promette l’accueil hospitalier et le repas du soir. Les cris de l’oiseau de proie se mêlent aux grands bruits de la mer :


Goélands ! Goélands !
Rendez-nous nos maris ! rendez-nous nos enfants !


À la pointe de Penmarc’h, à travers les débris d’une ville dont le nom même n’est pas resté, il serait difficile de compter tous les monuments celtiques. Le menhir de la plaine est remarquable par sa hauteur ; masse informe et glorieuse, qui a demandé, pour être placée là, la force de toute une armée. Le chef vainqueur, dort sous ce rocher élevé à sa gloire. Un peu plus loin, près du bourg, deux menhirs de vingt pieds. Près du manoir de Gouenac’h, une table de pierre ; sur cette table ruisselait le sang des victimes humaines ; un de ces monuments s’appelle ty ar Gorriket, la maison du Nain ; car ces masses de pierre, à en croire le paysan breton, ont été portées là par les nains et les mauvais génies. De même que dans tout le reste de la France on croit aux géants, la Bretagne croit aux nains ; le nain est le roi de ces contrées ; il a la malice des petits êtres : il est railleur, il est taquin, il a les caprices et les colères d’un enfant à qui rien ne résiste.

À Quimper, le premier évêché de la Bretagne, les évêques de l’Église primitive ont fait une guerre assidue aux souvenirs des vieilles idoles ; seulement, les plus gros rochers sont restés immobiles ; apportés là par des mains inconnues, pas une force humaine ne les a pu arracher de cette place. Non loin de Pontaven, l’antique forêt de Lusuen (du mot celtique lusu, lousou, gui, fougère, verveine, plante salutaire) prolonge encore son ombre fatidique ; c’est toute l’histoire du passé, cette forêt de Lusuen ; sa forteresse n’a pas été renversée tout à fait par le temps et par les hommes. Le plus beau dolmen de Lusuen s’élève à quarante pieds ; de chaque côté de cette pierre solennelle a grandi un chêne séculaire ; dans une fente du milieu, dans cette pierre des vieux siècles, un autre chêne a poussé. Que de siècles représentent ces pierres et ces arbres ! combien de générations se sont agenouillées à cet ombrage ! À Saint-Yvi, dans les genêts qu’agite incessamment le vent du nord, se rencontre un