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inexplicables, des cercles mystérieux, des monuments tout bruts dont personne encore aujourd’hui n’a trouvé le sens véritable ; mystères des générations passées dont nous savons à peine le nom : dolmen, cromlech, peulven, menhir[1].

De ces monuments étranges d’un aspect si nouveau, la Bretagne tout entière est remplie. Entre les baies de Brest et de Douarnenez, des bords de la rivière d’Aûn (Aulne) jusqu’à la pointe de Toulinguet, la presqu’île de Crozon attire l’attention et tous les regards de l’antiquaire. Cette presqu’île, célèbre dans l’histoire du druidisme, se divise en trois fractions principales : la presqu’île de Quelern, l’île Longue, la pointe de la Chèvre. Le paysan breton vous dira le nom de toutes ces anses battues par la mer : Poulmic, le Fret, Roscanuel, Camaret, qui sert d’abri contre la tempête. Dans ce groupe d’îlots, d’anses, de presqu’îles, de curiosités naturelles, témoin l’arche immense de Morgatte, les druides avaient transporté leurs mystères, loin des regards profanes. Des plus curieux monuments de la religion des Celtes, la péninsule de Crozon est remplie : autels, tombeaux, sanctuaires, tombelles, pierres vacillantes, cimetières. Les anciennes traditions du Nord racontaient que les alignements angulaires du Leuré étaient jadis le souvenir des guerriers morts à cheval : Ordo cuneato equestrium designans sepulturas. La presqu’île de Quelern, toute chargée de verdure, riches bosquets, jardins fertiles, frais paysages, possède un menhir de quatorze pieds. Les paysans disaient que le menhir renfermait un trésor, mais personne n’eût consenti à porter sur cette antique pierre une main impie. Un soldat qui passait en Bretagne fut plus hardi que les gens de Ouelern ; il se mit à la recherche du trésor, mais la pierre croulante s’abattit sur le téméraire, qui resta enseveli sous cette masse. — Vous retrouvez les mêmes pierres à la pointe de Toulinguet, sur les

  1. Dolmen, ou dolmin, signifie en breton table de pierre ; cromlech, lieu courbe, lieu voûté ; peulven, pilier de pierre, et menhir, pierre longue. Le dolmen est composé d’une pierre plate ou de forme tabulaire, élevée sur plusieurs autres enfoncées en terre. On croit qu’il servait d’autel sur lequel on sacrifiait les victimes. Le même nom s’applique encore à une réunion de pierres larges, plates et hautes, disposées à côté les unes des autres, de manière à former une enceinte carrée, fermée de trois côtés et couverte de pierres plates ; c’était une sorte de sanctuaire, dans lequel le pontife se plaçait pendant les cérémonies religieuses.

    Le peulven ou menhir est un obélisque, ou plutôt une pierre placée verticalement sur le soi.

    Le cromlech est composé d’un nombre plus ou moins considérable de peulven ou d’obélisques disposés en cercle, quelquefois sur deux ou trois rangs, et dominés par un peulven plus élevé, placé au centre. D’autres fois cette dernière pierre manque ; alors le monument druidique n’est plus qu’une enceinte sacrée, dont l’entrée était interdite aux profanes, et qui recevait le nom de mallus.