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— Je n’en sais rien, reprit-il.

— J’en suis fâché, répondis-je ; j’aurais beaucoup tenu à votre définition ; et je repris mon air soucieux.

L’instant d’après j’aperçus mon mendiant debout devant moi ; il tenait son bâton d’une main ; de l’autre main il fit un geste solennel :

— Maître ! reprit-il, pourquoi donc vous désespérer ? Si nous ne savons ni vous ni moi ce que c’est que la vertu, il y a peut-être des gens qui le savent pour nous ; je les interrogerai, si vous le désirez, et si vous croyez que monsieur le préfet de police le permette.

— Interroge ! lui dis-je, et sois tranquille : demander à un homme ce que c’est que la vertu, ce n’est pas lui demander sa bourse ; il n’y a que cette dernière question qui soit indiscrète.

Le vagabond s’avança au milieu du grand chemin avec la hardiesse d’un coquin qui se sent soutenu par un honnête homme ; le jarret tendu, la tête haute, l’œil fixe, et sa large bouche assez entr’ouverte pour montrer un énorme râtelier de trente-deux dents tout au moins.

Sur ces entrefaites, deux hommes passèrent ; l’un était un usurier, et l’autre sa victime : — Qu’est-ce que la