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vingt ans poétiques ! Froide et vaine, et pourtant si jeune, et pourtant si jolie ! — Je saurai ce que tu deviendras, me dis-je en moi-même, je m’attacherai à tes pas comme ton ombre, je te suivrai dans ta vie, qui doit être courte. Malheureuse fille, déjà, assez méprisée pour être devenue riche tout d’un coup ! Mais cette fortune ne peut pas durer longtemps : le caprice d’un homme t’a enrichie, un autre caprice doit te replonger dans le néant ! Et je repassais en moi-même l’histoire de la plupart des pauvres filles que le sort a fait naître dans une basse condition, pour servir de jouet à quelques riches qui s’en arrangent et qui s’en défont comme d’un beau cheval.

La plus malheureuse créature parmi les créatures faites ou non à l’image de Dieu, c’est la femme. Son enfance est languissante et remplie de travaux puérils ; sa première jeunesse est une promesse ou une menace ; sa vingtième année est un mensonge ; après avoir été trompée par un fat, elle ruine un imbécile ; son âge mûr, c’est la honte ; sa vieillesse est un enfer. Elle passe de main en main, laissant à chaque maître nouveau quelqu’une de ses dépouilles : son innocence, sa pudeur, sa jeunesse, sa beauté, et enfin sa dernière dent. Trop heureuse, la misérable, quand elle trouve, à la