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et le vieillard, moisissait le corps d’un beau jeune homme déjà saisi par le violet de la mort. Henriette s’arrêta devant cette pierre funèbre, et, sans changer de couleur, se dit à elle-même à demi voix : — C’est bien lui !

Et en effet, le malheureux insensé ! le croiriez-vous ? il s’était tué pour cette femme. Il avait été dans les mains de cette femme le premier jouet de sa beauté, et elle l’avait brisé comme fait l’enfant à qui chaque lendemain rend le jouet brisé la veille. Il y a toujours ainsi, dans la vie de chaque femme, un malheureux dont elle abuse sans pitié, sans miséricorde, sans reconnaissance, et bien souvent c’est celui-là même qui l’aurait le plus aimée. Ainsi avait fait ce malheureux suicide. Il avait rencontré cette femme, et il l’avait tout d’un coup trop aimée, comme on aime. Pour elle il avait oublié son gothique manoir, son vaste comté, son bel avenir à la Chambre des Pairs d’Angleterre, son nom, que l’Amérique ne prononce pas sans baisser la tête ! C’est qu’il l’avait vue comme moi sur Charlot ! Il l’avait vue dans sa beauté virginale, et sous ces formes si pures il avait cru trouver une âme ! L’âme s’était enfuie, et lui, il était mort. Elle ne dit donc pas autre chose que ces mots : — C’est lui ! et désormais, bien