Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/57

Cette page n’a pas encore été corrigée

le quai aux Fleurs. C’est une véritable guirlande qui tient enchaînées, par un lien d’œillets, de myrtes et de roses, les deux rives de la Seine ; c’est le rendez-vous de tous les amateurs de la nature à bon marché : là, sans contrat, sans notaire, sans enquête, vous achetez une terre, un verger, un jardin que vous emportez triomphant dans vos bras ; — des renoncules, de pâles lauriers, de simples fleurs bleues sans odeur, de blanches marguerites à la jaune corolle, des œillets s’élargissant sur le carton ; quel appui pour la belle fleur, une carte à jouer, une de ces puissances infernales de trente et quarante, qui vous envoient un homme aux galères ou au fond de l’eau ! Le quai aux Fleurs m’attriste, maintenant que je le regarde de plus près. À deux pas du gibet, sur le chemin de la Grève, vis-à-vis la Gazette des Tribunaux, bordé d’huissiers, de recors, d’avoués, de notaires, — sans compter, au fond de chaque pot, l’essence de chaux qui rend la fleur plus brillante, et qui la tue. Ainsi ils font mentir même la rose.

Voilà comment tout se dénature, grâce à cette rage d’être vrai. La vérité tant recherchée par les faiseurs de poétiques est une effrayante chose ; je la compare à ces larges miroirs destinés à l’Observatoire. Vous approchez