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qui, peu soucieuses de n’être pas vues, aiment à voir passer, sur la grande route, les allants et les venants. De ce côté-là, se dirigent incessamment le gros vin, le pain bis, l’épaule de mouton et le rosbif. Le jardin prête son ombre à des gastronomes moins carnivores ; de jeunes filles et de jeunes hommes, de jeunes filles et des vieillards, de jeunes filles et des militaires, de jeunes filles et des gens de robe. Je suis étonné, en vérité, qu’il y ait tant de jeunes filles dans le monde ; il faut qu’elles se multiplient terriblement pour suffire à toutes choses. C’est comme un civet de lièvre à la taverne du Bon Lapin.

J’allai m’asseoir dans un coin du jardin, moi tout seul, sans jeune fille, mais, en réalité, maître absolu de toutes celles qui étaient là et qui vraiment, dans le fond de l’âme, auraient voulu être autre part. Les joyeux plaisirs du cabaret ne sont pas encore à notre hauteur. Ce qui fait la fortune d’un bouchon en plein vent, ce n’est pas l’amour : l’amour se cache ; l’ivresse se montre au grand jour. Est-il donc moins honteux de perdre sa raison près d’une femme que de la laisser au fond d’un verre ? Explique qui pourra le problème. Je n’ai rencontré que deux heureux au Bon Lapin. Dans le bosquet le plus reculé s’étaient réfugiés un jeune adolescent et sa cousine : dix-sept ans l’un et l’autre ! Ils n’avaient