Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

que moi, toujours à cheval sur notre âne, j’aurais donné ma vie pour obtenir un de ces frais baisers que la jeune fille prodiguait à Charlot. Charlot absorbait toute sa pensée.

À la fin elle leva la tête : — Ah ! voici mon chapeau, s’écria-t-elle d’un air joyeux ; puis elle me regarda avec de grands yeux noirs bien limpides, et, comme je restais en possession de sa monture, elle s’assit sur le gazon en face de moi et de l’âne, elle remit en ordre ses beaux cheveux ; puis quand elle eut essuyé son front de sa main, elle replaça son chapeau sur sa tête, et avec un gros soupir de fatigue, elle se leva sur ses deux petits pieds comme pour me dire : Otez-vous de  ! Elle avait l’air déterminée à ne pas me laisser son Charlot plus longtemps.

Je mis pied à terre ; elle bondit sur son âne.

Un coup de bride, un grand coup de pied, et adieu ma vision ! Jamais je n’avais vu de fille plus séduisante, plus riante, plus fraîchement épanouie. Du reste, elle n’eut pour moi ni un mot, ni un regard. Moi je fus tout regard ; mais pas un mot pour elle. Que lui aurais-je dit ? Elle était si occupée de Charlot et de son chapeau de paille ! Non, certes, je ne suis pas de ces promeneurs sans moralité qui se figurent qu’il n’y a qu’une manière de s’