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était échue au soprano napolitain ; une autre fille de joie avait déjà acheté, pour en parer sa tête chauve, ces beaux cheveux noirs. — Rien n’était plus.

Ce dernier outrage, ou plutôt ce dernier supplice, après le dernier supplice, me parut horrible. Pour la dernière fois que cette pauvre fille échappait à ma pitié, ce fut la plus affreuse. À présent il m’était impossible de retrouver d’elle, même un lambeau ! En ce moment, je m’avouai vaincu sans retour. À force de sang-froid, de persévérance et de triste courage, je l’avais suivie jusqu’au bout dans son sentier funeste de candeur et de vices, de fleurs et d’épines ; mais, arrivé là, je perdais sa trace sans retour. J’avais pu la disputer à la corruption, à la maladie, à la misère, à la prostitution, au bourreau, au fossoyeur.... je l’aurais disputée aux vers du tombeau ; mais allez donc l’arracher au scalpel du chirurgien ! Eh ! malheureux ! n’as-tu pas voulu aussi la disputer au nouvel art poétique de ton pays !

Ainsi, je gardai pour moi mes prières inutiles, je refoulai ma douleur dans mon cœur ; le vent du matin sécha dans mes yeux ma dernière larme ; je jetai loin de moi ces fleurs que j’apportais sur cette tombe vide. Et voilà pourtant, malheureux que tu es, m’écriai-je