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Je m’approchai d’elle. — Me reconnaissez-vous ? lui dis-je. — Elle leva lentement les yeux sur moi, elle me fit un léger signe de tête pour me dire qu’elle me reconnaissait. On voyait que cet aveu lui coûtait. — Henriette ! lui dis-je, vous voyez devant vous un homme qui vous a aimée, qui vous aime encore ; c’est le seul homme pour qui vous n’ayez eu ni un regard ni un sourire ; maintenant il est le seul ami qui vous reste ; si vous avez quelque volonté dernière, livrez-la-moi, cette volonté sera faite.

Elle ne me répondit rien encore ; pourtant son regard était tendre, son sang remontait à sa joue ; ce bel ovale s’animait, pour la dernière fois, du feu de ces regards, de la grâce ineffaçable de ce sourire. Pauvre, pauvre jeune fille ! Pauvre tête qui va tomber ! Pauvre cou si frêle et si blanc, qu’on trancherait aussi facilement que la tige d’un lis, et sur lequel vont bondir cent livres de plomb, armées d’un immense couteau ! Oh ! pourtant, si tu m’avais ainsi regardé une fois, une seule, tu étais à moi, à moi pour la vie ; tu aurais été la reine du monde, car, à coup sûr, tu aurais été la plus belle !

— Henriette, lui dis-je, il est donc vrai, il faut mourir, mourir si jeune et si belle ; toi qui aurais