Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se remettait au travail ; quand tout à coup elle poussa un cri de joie : l’œuvre était accomplie ! elle avait dérobé un vieux bouton de cuivre à son geôlier, et elle avait rendu ce cuivre assez brillant pour qu’il pût lui servir de miroir !

D’abord elle fut heureuse. Un miroir ! il y avait si longtemps qu’elle ne s’était vue ! Mais au premier coup d’œil jeté sur ce métal perfide, elle chercha en vain toute cette véritable beauté, l’objet constant de son culte, sa passion, sa religion, sa croyance, son amour ! En effet, elle redevint triste ; cette figure, ce n’était plus sa figure ! ce n’étaient là ni ses yeux si vifs, ni sa peau si veloutée et si blanche, ni l’incarnat de ses lèvres, ni la perle de son sourire, ni la grâce de son maintien. Elle avait sous les yeux un fantôme, un triste et pâle reflet d’une ombre ! Indignée, elle rejeta bien loin ce miroir menteur. L’instant d’après, elle le ramassait et se regardait encore ; elle en était venue à penser que ce miroir était trompeur, que ce métal tout rond allongeait son visage, que ce reflet jaunâtre la couvrait tout entière, que ce faux jour la rendait moins blanche ; et alors, grâce à ses souvenirs, elle se revoyait telle qu’elle s’était vue : elle retrouvait un à un toutes ses roses et tous ses lis : elle revenait lentement, par les sentiers les