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suspendue à la voûte sinistre étincelait de feux violets, pendant que l’insecte joyeux parcourait son ouvrage dans tous les sens, multipliant à l’infini ses fils si déliés, la jeune captive se prit à chanter. D’abord elle fredonna son air tout bas ; elle chanta plus haut ensuite ; elle y mit enfin toute sa voix, et sa voix était belle et sonore. C’était un air insignifiant, un air de bravoure, une bonne fortune de chanteur de carrefour, aux sons ambigus de l’orgue ; mais cependant elle donnait à cet air une expression indéfinissable, et moi, couché dans mon banc, je recevais ces accents funèbres avec un tremblement convulsif. C’était le dernier soupir d’un beau jeune homme blessé à mort, et qui tombe comme s’il devait se relever et se venger l’instant d’après.

Une autre fois, elle était joyeuse, elle riait aux éclats ; puis, sur un morceau de laine, sur sa couverture trouée, elle frottait je ne sais quoi ; mais elle le frottait avec une persévérance et une activité incroyables. Tantôt elle restait un quart d’heure entier sans examiner le progrès du frottement ; tantôt elle considérait son morceau de métal à chaque minute. Pensez-vous bien qu’il s’agissait de le rendre luisant et poli, de le débarrasser de la rouille qui le chargeait ? La tâche était difficile. La condamnée s’impatientait, s’épuisait, se décourageait,