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eussent été de l’acier poli ; autant que possible se prolongeait cette occupation importante, car elle y était tout âme ; et quand tout était fini, quand elle n’avait plus une épingle à mettre, plus un ruban à attacher, elle se mettait à genoux sur sa paille, elle s’asseyait sur ses deux jolies petites jambes repliées sous elle-même, ses bras retombaient lentement le long de son corps ; hélas ! vous auriez dit qu’elle ne songeait à rien.

Sur le midi, le geôlier lui apportait la pitance accoutumée de la prison : du pain noir et de la soupe tiède dans une épaisse gamelle de bois où nageait une cuiller d’étain. La gamelle posée sur la terre, le geôlier se retirait. Alors la condamnée, agenouillée et la tête penchée sur cette eau fumante, en respirait la bienfaisante vapeur ; ses deux mains tenaient la gamelle embrassée et se coloraient légèrement à sa chaleur pénétrante ; quand elle s’était ainsi emparée de sa soupe par tous les sens, elle la dévorait en un clin d’œil pour se dédommager d’avoir attendu si longtemps. Le soir venu, à l’heure où jadis elle recevait à sa table tous les amours empressés à lui plaire, le même geôlier silencieux lui jetait un morceau de pain par le guichet de sa prison ; elle mangeait lentement son pain noir, levant les yeux vers le soupirail où la nuit commençait à descendre sur les