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tout entier, moi et mon amour et ma jeunesse, j’avais été sacrifié à une robe de velours, à ce velours prostitué et fangeux ! Misérable femme ! oui, certes, trois fois misérable ! — Sylvio entra dans ma chambre, suivi de cette belle humeur qui ne l’abandonnait jamais, non pas même au plus fort de ses passions. Il s’était figuré la veille, dans un bal, qu’une femme de quarante ans à peine, épaisse, et grosse commère dont il aurait pu être le fils, lui avait peut-être serré la main ! Il en était tout fier, et tout fier, il venait me raconter son admirable fortune.

— Diable, elle t’a serré la main ! Te voilà bien avancé, lui dis-je en soupirant.

— Bien avancé, me dit-il ; le cœur se prend par la main aussi bien que par les lèvres ; mais toi, monsieur le dédaigneux, j’imagine que tu serais heureux si tu l’étais seulement autant que moi.

— Je t’assure, mon pauvre Sylvio, que du côté de mes amours je suis beaucoup plus avancé que je ne le voudrais, et que toi-même tu sauterais de joie si tu savais combien tu l’es aussi sans t’en douter.

Sylvio ouvrait de grands yeux ; sa jeune et pétulante imagination bâtissait déjà tout un roman d’amour, bien compliqué, sur une parole jetée en l’air.