Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/219

Cette page n’a pas encore été corrigée

les femmes comme des êtres bien au-dessus de l’espèce humaine, il respirait à peine en leur présence ; mais cependant son admiration muette, ses hommages silencieux ne lui avaient guère profité : jeune et beau, riche et brave, portant légèrement un grand nom qu’il parait encore, à peine s’il avait pu s’attirer de ces beaux êtres tant rêvés, quelques regards indifférents et dédaigneux. Au reste, c’était la faute du beau jeune homme : pourquoi donc être si modeste ? Tout entières à se contempler, les femmes ne devinent pas un homme, c’est tout au plus si elles le comprennent, encore faut-il qu’il s’étale lui-même au grand jour. Voilà ce que le jeune Sylvio n’osait pas faire ; j’avais tenté, mais en vain, de le sauver de cette exaltation dangereuse ; il recevait en souriant mes plus sages conseils. Je ne sais comment il avait deviné que j’étais possédé d’un triste amour, mais il le savait, et il me raillait souvent sur mes sentiments mystérieux ; il comptait tous mes soupirs, il expliquait mes paroles entrecoupées, mes distractions fébriles, et il me jetait un regard de pitié qui plus d’une fois me fit frémir, en songeant qu’il avait tout mon secret, c’est-à-dire qu’il savait toute ma misère ! — C’était le lendemain de ma fatale aventure ; j’étais bien triste ; je me disais que moi