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ne sache plus que les Albinos, les castrats et les hydrophobes qui n’aient pas été exploités en grand, je voudrais aussi que chacun pût emprunter à son voisin le héros exceptionnel de son histoire, sans que le voisin eût le droit de s’écrier : — Je suis volé !

L’égoïsme dans les arts est le plus triste des égoïsmes ; c’est surtout dans la poésie moderne qu’on serait mal venu de dire à un confrère : Laisse-moi mes morts !

Voilà ce que je dis à la Critique pour ma défense et pour me faire pardonner tout ce qu’elle aurait pu appeler dans mon livre : imitation, incertitude, plagiat. Elle m’écouta tant bien que mal, et quand j’eus tout dit, elle ajouta que j’étais terriblement obscur.

— C’est le beau d’une préface, lui répondis-je effrontément.

Elle me dit encore que c’était une insolence à faire à mes lecteurs.

Je sautai de joie, comme si j’avais reçu le plus flatteur des éloges.

Alors elle s’approcha de moi ; elle me serra dans ses deux bras longs et secs comme les bras des fantômes de Louis Boulanger ; puis elle me donna le baiser de paix, en appliquant sur mon visage un visage d’un âge, d’un embonpoint et d’une fraîcheur très-équivoques.

Cependant je la remerciais de ses caresses, quand, portant la main à ma joue, je trouvai que ma joue était sanglante : la cruelle m’avait donné le baiser de Judas.

Mais, Dieu merci ! je fus bien vite consolé en songeant