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d’abord à la jeune et malheureuse femme qui tremblait à mon côté.

Elle était si troublée qu’elle m’entendait à peine. Elle me dit enfin que son mari demeurait là-bas tout au loin. Pourtant, la malheureuse ! elle l’avait tant prié de venir la voir et de la retirer lui-même de cette misère où il l’avait plongée ! Mais il n’était pas venu : — Et sans vous, Monsieur, je serais morte de froid et de honte sur cette borne. Ainsi elle parlait, et d’une voix si douce ! et elle jetait sur moi un si touchant regard ! Pauvre femme ! si chaste et si souillée ! si honnête et si perdue ! faite tout exprès pour les douces joies domestiques, et passant sa lune de miel à l’hôpital ! Nous avancions ; à chaque rue nouvelle elle devenait plus triste. J’en fis la remarque et je mis le cheval au pas. — Qu’avez-vous donc, pauvre jeune femme, et pourquoi tremblez-vous si fort ? — Hélas ! me dit-elle, mon mari, comment va-t-il me recevoir ? comment me pardonnera-t-il le mal qu’il m’a fait ? — Je la regardai, elle était pâle et livide ; son beau visage portait des traces ineffaçables de toutes les souffrances de l’âme, du cœur, de l’esprit et du corps. — Ayez bon courage, Madame ! lui disais-je ; en ce moment nous passions sous l’arcade de l’Hôtel-de-Ville. — Bon courage ! mon Dieu, j’en