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cordes sonores, du fer partout, des fenêtres ouvertes à tous les vents.

Après la salle des feudataires viendrait une salle de cérémonie tout enveloppée d’une vaste tapisserie soulevée, par la bise du soir et animée par de gigantesques figures de l’Histoire sainte, lente et formidable création de l’aiguille de nos grand’mères. Je vois déjà les vastes fauteuils, l’âtre immense, les torches attachées à des bras de fer aux murs de cette demeure féodale ; puis, à côté de cette salle si favorable aux fantômes, une autre salle pavée de grosses dalles, pour servir aux banquets ; la table est chargée de viandes et de vins ; les paladins s’y pressent en masse, chacun vêtu de son écharpe et portant les couleurs de sa dame ; on mange, on boit, on s’enivre, on se bat, on blasphème. Cependant les tours s’élèvent, lourdes, meurtrières, percées de trous, jusqu’à ce qu’enfin le château étant achevé, l’architecte s’aperçoive qu’il a perdu son temps à élever une masse inutile, et qu’il eût bien mieux fait, puisqu’il en voulait au moyen-âge, de se construire à meilleur marché un moyen-âge de carton ou de terre cuite.

Il faut, en général, se méfier des mauvais tours de l’imagination ; car si elle n’est un peu guidée par le bon sens, l’imagination est un pauvre architecte. Laissez-la faire, cette folle du logis, elle va changer tous les temps, dénaturer tous les lieux, effacer, niveler à tout hasard. Elle placera des créneaux au troisième étage d’une maison bourgeoise ; elle entourera de fossés le demi-arpent de salade d’un fermier de Nanterre ; folâtre et insouciante comme une fille qui n’a