Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée

devint électrique : chacun avait en réserve son argument tout prêt pour ou contre, chacun parlait de toute la force de ses poumons et sans attendre que son tour fût venu ; pour moi, j’attendais, en homme habile, que ce premier bruit se fût apaisé, et dès que je jugeai l’instant propice, je racontai l’histoire de mon pendu.

Mon histoire produisit peu d’effet ; elle n’était vraie et croyable que dans la bouche du bandit italien ; racontée par moi, c’était un conte sans vraisemblance. À ce sujet, la discussion reprenait de plus belle ; déjà mes adversaires, c’est-à-dire les adversaires de la peine de mort, retranchés derrière ce grand mot : l’humanité ! comme derrière un rempart inaccessible, avaient à ce point l’avantage, que personne n’osait plus prendre ma défense, lorsqu’au plus fort des clameurs contre la fausseté de mon récit, je rencontrai un secours tout-puissant.

C’était un vénérable musulman. Du fond du sofa bourgeois, économiquement recouvert d’une indienne passée, dans lequel il était plongé, il leva sa tête ornée d’une longue barbe blanche, et reprenant gravement la conversation ou je l’avais laissée : — Je veux bien croire, nous dit-il, que cet Italien a été pendu, puisque moi-même j’ai été empalé !