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toutes remplies de mes exploits. Je saluai, non sans douleur, mon beau domaine ; sur le devant de la potence se déroulait un précipice où tombait, avec un sourd murmure, un torrent rapide dont l’humide vapeur arrivait jusqu’à moi ; autour de l’arbre funeste tout était parfum et lumière. Je m’avançai sans trembler au pied de l’échelle, et j’allais me livrer tout à fait, lorsqu’un dernier coup d’œil jeté sur mon cercueil me fit reculer de deux pas : — Ce cercueil n’est pas assez grand pour contenir tout mon corps, m’écriai-je ; on ne me pendra pas si je n’en vois arriver un autre de ma taille. Et je pris un air si résolu que le chef des sbires s’approchant : — Mon cher fils, me dit-il, assurément vous auriez raison de vous plaindre si ce coffre devait vous contenir tout entier ; mais, comme vous êtes très-connu dans le pays, nous avons décidé, quand vous serez mort, de vous faire couper la tête et de l’exposer au point le plus élevé de nos remparts.

La raison était sans réplique. Je montai à l’échelle ; en un clin d’œil je fus sur le haut de la potence ; la vue était admirable. Le bourreau était novice, de sorte que j’eus le temps de contempler tout à l’aise cette foule qui pleurait sur moi. Quelques jeunes gens tremblaient de fureur, les jeunes filles étaient en larmes ; les paysans me regrettaient comme