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verre d’une vieille bouteille. Vive Dieu ! c’est une belle chose la tristesse ; mais aussi c’est une douce chose la gaieté, le sommeil facile, les songes riants. Que ma tête est calme, que ma pensée est légère, que mon esprit est vagabond, que mon regard est charmé ! On dirait qu’une fée bienfaisante a posé sa main sur les agitations de mon cœur. Je respire, je vis, je pense ; et tout ce repos ce matin, parce qu’hier je me suis abandonné à ma douce flânerie, parce que je n’ai pas été un philosophe pédant et forcené, parce que je n’ai été ni un poëte, ni un penseur. Allons donc ! (qui le saura ?) redevenons un bon homme tout un jour. O docteur Faust ! ô mon maître ! que de fois t’est-il arrivé de laisser là tes livres, tes fourneaux, ton alambic, et d’aller te promener sous la fenêtre de Marguerite !

Tout en pensant au grand-œuvre, je m’habillais, je me parais, je me faisais gai, je fredonnais un air nouveau, qu’un orgue de Barbarie répétait déjà sous mes fenêtres. Je sortis de la maison bien résolu à ne pas emmener avec moi le philosophe morose, et par une irrésistible habitude, je dirigeai mes pas du côté de Vanves. Arrivé au Bon Lapin, je m’arrêtai subitement ; c’était là pourtant que j’avais dérangé mon bonheur sans le savoir ! À ce joyeux rendez-vous, m’était venue la folle idée de