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à contempler ; puis tout l’attirail ordinaire, une mère attendrie, un père tout fier de son habit neuf, les commères de l’endroit, et une enivrante odeur de cuisine se mêlant aux sons d’un violon criard. Je suivis Jenny jusqu’à l’autel ; on eût dit qu’elle n’avait fait que cela toute sa vie. Elle dit oui d’un ton ferme et décidé, et, sa prière murmurée, elle se leva. J’avais couru au-devant d’elle et je lui offris gravement l’eau bénite. Chose étrange ! je fus heureux de sentir son doigt effleurer le mien, moi qui depuis six ans, deux fois par semaine, l’embrassais à tout hasard. C’était une enfant de ma maison, qu’un autre était venu prendre et m’avait dérobée. Cet autre était un butor ; mais c’était un bon homme, c’était un mari. Cependant, toujours poussé par ma triste analyse, je gâtais de mon mieux le bonheur de Jenny, je comparais ses jours de repos à ses jours de travail, et je trouvais déjà que ce plus bel instant de sa vie, son beau jour de noce, avait la physionomie monotone d’un jour très-vulgaire. Peu s’en fallut que dans ma pensée, dix mois à l’avance, je n’étendisse Jenny sur le lit de sangles, en proie à toutes les douleurs de l’enfantement. Je disséquai sans pitié cette joie franchement épanouie, je passai à l’alambic tout ce vin bu avec tant de gaieté. Je me disais qu’il y