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des lettres d’une grosse écriture, ou bien si finement écrites, que, l’amour passé, on ne saurait les lire qu’à la loupe ; ce sont des cheveux bruns ou noirs, encore chargés d’un léger reste de parfums ; ce sont des bagues d’or ou d’argent qui portent avec elles une heure et un jour, une date incomplète ; mais le moyen de croire jamais que nous oublierons même l’année de ces éternelles amours ! Ce sont des portraits effacés, des bracelets brisés, des fleurs desséchées, toutes sortes de frivolités, d’oublis, de mensonges, de serments, de bonheurs, de promesses, toutes sortes de néants !

Eh bien ! telle est la toute-puissance des souvenirs du cœur, que tous les bonheurs, toutes les joies, tous les transports, toutes les fortunes, toutes les terreurs, toutes les larmes, toutes les nuits agitées, tous les reproches, tous les désespoirs, renfermés et contenus dans ce tiroir, tous ces parfums évanouis, toutes ces ivresses évaporées, si je veux, je vais les ranimer en même temps et leur dire : Levez-vous, et m’entourez ! comme fit le Christ pour cet homme qui était mort. Oui, vous êtes encore mes jeunes et éclatantes passions, portraits, cheveux, lettres, rubans, fleurs fanées ! Je sais vos noms, je sais vos couleurs, je reconnais vos voix et vos murmures.