Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée

lui fis un signe affirmatif ; au même instant survenait un autre voyageur.

C’était un vieil habitant du bagne, qui avait fait son temps et qui avait encore trente-six francs cinquante centimes à être libre et vertueux ; du reste, fringant et rieur, un homme éprouvé. Le mendiant l’aborda avec une tendresse toute particulière : — Bon voyage, camarade ! mais, avant de passer outre, savez-vous ce que c’est que la vertu ?

— La vertu, mon enfant, c’est une cour d’assises, un jugement, dix ans de bagne, un bâton d’argousin et deux lettres sur l’épaule, qu’il ne faut pas renouveler : voilà ce que c’est que la vertu.

— Bien parlé, dit le questionneur ; si tu veux te faire voyageur comme moi, nous ferons commerce ensemble : tu entends trop bien la vertu pour que je me sépare d’un compagnon tel que toi ; et ils partaient en effet tous les deux, quand un gendarme, accourant de toute la vitesse de son cheval, leur cria : Halte  ! — Qu’est-ce que la vertu ? crièrent-ils au cavalier.

— La vertu, reprit l’autre, ce sont de bonnes menottes, une bonne camisole de force, un bon cachot à triple serrure ; et il les chassa devant lui.