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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

d’Achélaiis, peinte par Zeuxis, il reçoit l’eau d’une amphore sur la tête. D’abord il croit que c’est une galanterie de dame Xantippe… C’était un citoyen qui avait pris Socrate pour son compère. — « Ce n’est pas moi qu’il a mouillé, disait Socrate ; il a mouillé celui pour qui il m’a pris ! » — Ceci dit, il est impossible de ne pas reconnaître la vivacité et la bonne humeur de l’actioncomique. Le disciple de Socrale est très-amusant dans son ardeur de néophyte qui n’a pas dîné ; lui-même, le philosophe attaqué, il est d’une gravité très-divertissante. Le chœur des nuées invi’ sibles est d’une très-belle forme et tout à fait digne d’un poète lyrique. A ce moment l’Athénien reparaît ; le poè’te a repris tous ses droits sur le conteur de facéties ; Aristophane s’enivre de cette poésie véritable, en oubliant la raillerie commencée ; en vain Strepsiade répond à ces belles strophes par d’horribles quolibels dignes de Sancho-Pança quand il a trop mangé, la poésie persiste, brillanlo et fine ; le lambeau de pourpre éclate et brille attaché au haillon de bure ; plus que jamais nous sommes sur le Parties^ cette montagne qui s’élève entre l’Attique et la Béotie.

Au même instant (on ne sait plus si en effet nous n’avons pas quitté pour jamais la règle de l’unité et les autres lois d’Aristote), le poète interrompt son hymne et son imprécation commencées (imprécation éloquente à ce point que Lucrèce l’a transportée dans son poème) pour gourmander l’ingratitude et la paresse des Athéniens.

C’est alors qu’Aristophane a des paroles de roses, car il fait sa propre louange. Quoi ! on lui a refusé, l’an passé, le prix de poésie ! et il a été forcé, avant de se nommer en plein théâtre, d’avoir quarante ans accomplis (c’était en effet la volonté de la loi, qui regardait la poésie dramatique comme un sacerdoce) 1 A ces louanges du poêle, le chœur répond qu’il faut en effet accorder mille récompenses au poète Aristophane ! Il a combattu Cléon tout-puissant ; vaincu, il l’a respecté. Il a été indignement copié par son confrère Eupolis, membre de l’association dramatique.

Même, son autre confrère, Hemippus, lui a dérobé un de ses plus plaisants caractères, et cette belle pensée… un vrai proverbe : Que les Athéniens étaient plus heureux que sages !

Singulière aventure cependant cette louange que se donne ce poète en pleine comédie ! — Figurez-vous la Critique de