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pas, lui donne de l’argent : « Dites à M. Scribe qu’il a bien fait ! » II eût tué M. Scribe comme il a tué la veuve Chardon, avec aussi peu de vergogne et de remords !

L’abbé Lacordaire va le voir, et c’est à peine s’il prête l’oreille à la vive et ardente parole de ce jeune apôtre ; il finit par lui dire : « Vous m’embêtez ; je ne veux pas être convaincu ! »

Et voilà les mots les plus saillants de cet homme qui est mort encouragé par son complice Avril ! L’orateur Lacenaire ! disait Avril.

Vous parlerai-je de sa tragédie ? Ce sont les méchants vers d’un mauvais écolier. Ils valent, pour le nombre et la mesure, sa chanson des forçats. On croirait, au premier abord, qu’un pareil misérable devrait porter dans son style quelque chose de la virulente énergie de son caractère. Au moins, quand un homme écrit avec un poignard, devrait-on reconnaître la pointe du poignard ! Mais rien ; tout cela est flasque et mort comme toutes les tragédies vulgaires de ce monde. Zavellas, Belezer, Botsaris, tous les Grecs de la tragédie de Lacenaire parlent entre eux comme parlent tous les Grecs du théâtre moderne. Il n’y a là ni les passions, ni le sang-froid, ni l’athéisme du poète. La pièce finit par un innocent coup d’épée, qui est loin d’annoncer le carrelet qui a tué la veuve