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et, debout, près d’elle, un jeune officier, qui lui racontait des choses plaisantes, s’il en fallait juger par le rire éclatant de la princesse.

Or ce fut en ce moment que Mlle de Launay, toute confuse et troublée au murmure étincelant de cet esprit qui pétillait sous ces lambris dorés et chargés de peintures, entra d’un pas tremblant, et tenant à la main un plateau en laque, sur lequel était posé l’éventail de Son Altesse. Et comme en ce moment la princesse était attentive au discours du jeune officier, Mlle de Launay attendit le bon plaisir de sa maîtresse. O surprise, et quelle humiliation ! Justement le jeune homme ici présent, ce prince Bel à voir, le familier de cette maison princière, était M. de Silly. Il avait rencontré de tout temps dans M. le duc du Maine un protecteur ; il était un officier de ses gardes, et la princesse aimait à l’entendre causer. A l’aspect de cette jeune fille un instant l’amie intime de sa sœur, de cette demoiselle qui avait vécu sous son toit comme une égale avec son égale, et réduite aujourd’hui à cette honteuse servitude, il pâlit, pendant que la rougeur de la honte montait au front de cette élégante personne. Eh bien, la princesse ne vit rien de ce petit drame, et, d’un beau geste, elle dit au jeune homme :

« Ayez la bonté, Monsieur, de me donner mon éventail. »

M. de Silly prit le plateau des mains de sa jeune amie, qu’il semblait ne pas reconnaître, et il présenta le plateau à la duchesse :

« Non, dit-elle, pas ainsi ; c’est votre privilège et votre droit, Monsieur, de prendre l’éventail sur le plateau et de me l’offrir de la main à la main. »

Sur quoi Mlle de Launay se retira à pas lents ; son sacrifice était consommé.