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t vous serez tout à l’aise une humble chrétienne, une fidèle servante, car voilà votre emploi désormais. Il est humble autant que votre condition ; il vous suffira, si vous êtes sage.

Ayant ainsi parlé, Mme de Noailles remit a Mlle de Launay quelques louis d’or dont elle avait grand besoin, et son nom, rien que son nom sur une carte, à l’adresse de M. de Malézieu. Mlle de Launay baisa la main qui lui était tendue, et se retira le cœur plein de reconnaissance, mais bien triste et bien malheureuse. « Où donc s’arrêteront, pensait-elle, toutes ces épreuves ! » et, confuse, elle lisait et relisait le nom de M. de Malézieu.

Le lendemain, de très bonne heure, elle prit congé de Mlle Henriette, et lui voulut faire accepter un de ses louis d’or ; mais celle-ci, l’embrassant tendrement :

— Gardez votre or, disait-elle ; il est vrai que voilà bien longtemps que je n’ai eu de l’argent de ma maîtresse, mais du moins j’ai une condition, et vous cherchez encore la vôtre. Encore une fois, adieu ; n’ayez pas d’orgueil, soyez soumise et priez Dieu.

Mlle de Launay partit de Versailles sans avoir eu l’honneur de revoir Mme la duchesse de La Ferté. Tout dormait dans ce vaste château ; le temps n’était plus où les courtisans, arrivés avant le jour pour saluer le maître à son réveil, attendaient le bon plaisir du concierge, et grattaient à sa porte avec autant de respect que s’il eût tenu les clefs des grands appartements.