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sa toute-puissance et de sa majesté n’était plus là pour imposer ses respects voisins du culte, et les anciens courtisans des jours de gloire et de prospérité souveraine auraient eu peine à reconnaître ce rendez-vous de toutes les obéissances et de toutes les soumissions. C’était bien toujours le même autel, ce n’était plus le même dieu.

Le dieu de céans était un enfant timide, étonné, charmant, qui s’essayait à vivre et non pas à commander. Les habitants de ces hauts lieux, si soumis naguère et vivant dans une incessante adoration, parlaient d’une voix plus haute et se trouvaient chez eux... Tant que le vieux roi avait vécu, ils étaient chez le roi. Déjà, en si peu de temps, les actions étaient moins contrôlées ; les discours moins contenus ; les courtisans relevaient la tête et pas un ne les reconnaissait. Mme la duchesse de La Ferté, dont le mari était au service du jeune roi, s’ennuyait fort à cette cour enfantine, et son accueil se ressentit de ses ennuis. Quand elle eut bien lu et relu la lettre de M. de Fontenelle, et qu’elle eut interrogé Mlle de Launay comme une reine ferait d’une sujette :

— Il faut, dit-elle enfin, que M. de Fontenelle ait une grande opinion de nos mérites pour nous demander une protection qu’il pouvait si bien vous accorder lui-même. Il est tout-puissant à cette heure ; il est le voisin du soleil ; il voit le vrai maître. A peine s’il nous reste assez de crédit pour vous faire visiter le bosquet de Latone, ou vous faire entrer au dîner du roi.

Pendant ce discours, Mlle de Launay, attentive et les yeux baissés, était plus semblable à une accusée qui attend son arrêt qu’à la jeune fille heureuse et libre, il n’y a pas si longtemps, dont le moindre caprice était un ordre. Hélas ! qu’elle était à plaindre, et que de peine à contenir les larmes qui roulaient dans ses beaux yeux ! Mme de La Ferté