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peuvent rendre ; il ne s’agit que d’être attentif à leurs discours et d’écouter patiemment leurs plus belles histoires. Ainsi l’on fit pour Mme de La Croisette, et quand la dame eut parlé tout à l’aise du temps passé ; quand elle eut célébré les victorieuses et les conquérants d’autrefois : M. de Turenne et Mme de La Fayette, elle finit par comprendre enfin qu’on la priait de venir en aide à une honnête et vaillante personne, courageuse et bienséante, qui cherchait quelque bonne maison où elle voulait entrer comme demoiselle de compagnie ou gouvernante de quelque jeune enfant.

La bonne Mme de La Croisette, qui naturellement était tournée du côté de l’esprit (une habitude qu’elle avait prise dans les salons de l’hôtel de Soissons), après avoir bien cherché à qui donc elle pouvait adresser sa protégée inconnue, imagina de la recommander au plus rare et plus charmant esprit parmi les survivants du dix-septième siècle, à M. de Fontenelle.

Il était, certes, de bonne race, et bien fait pour accorder une protection honorable, étant le propre neveu du grand Corneille, et, par la modération de sa vie et la grâce de son discours, l’écrivain le plus accompli de cet âge intermédiaire entre les chefs-d’œuvre anciens et les efforts tout nouveaux de l’esprit. Il était la prudence en personne et la sagesse même ; un peu trop sage, il disait que si sa main droite était remplie de vérités, il n’ouvrirait pas sa main droite. Ajoutez qu’il était affable et bienveillant, estimant les hommes, et cependant les connaissant et les voyant tels qu’ils sont. Il n’aimait que la bonne compagnie ; il lui appartenait tout entier : il en savait la langue, il en connaissait les usages. De toutes les grandes maisons, il savait les alliances, les parentés, les amitiés même les plus lointaines ; ainsi, quan