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II.

Le coup fut rude, et la pauvre abandonnée eut un éblouissement à la lecture de cette lettre funèbre ; heureusement que son âme était forte et que toutes ces gâteries maternelles n’avaient pu en affaiblir la trempe. Aussi, bientôt calmée, elle considéra de sang-froid sa situation et la contempla, sinon avec courage, au moins sans désespoir. Ce qu’elle comprit tout de suite, même dans les regards de Mlle de Silly, c’est qu’en ce grand naufrage elle ne pouvait compter que sur sa prudence et sa résignation. La route était longue et difficile, en ce temps-là, de la province de Normandie à la grande ville, et le premier soin de la jeune fille, après avoir cherché mais en vain une compagne, fut de prendre un habit qui lui permit d’être inconnue. Elle partit vêtue en paysanne, et Mlle de Silly lui dit adieu sans trop d’émotion. Le carrosse de voiture (on parlait ainsi en ce temps-là) était un vieux coche attelé de vieux chevaux qui marchaient une demi-journée, et chaque soir les voyageurs couchaient à l’auberge. Ils ne firent pas grande attention à la jeune