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seul, quelques jours après le départ du jeune colonel, Mlle Élisa de Launay reçut une lettre du couvent dans lequel elle était reine, et qu’elle comptait rejoindre avant peu. Elle ouvrit en tremblant cette lettre dont l’écriture lui était inconnue, et, la malheureuse ! les maternelles paroles auxquelles elle était habituée, l’affectueux appel qui lui venait de sa chère abbesse et de sa digne sœur, étaient remplacés par des paroles sévères et par un commandement formel de ne pas rentrer dans l’abbaye.

Hélas ! la chère abbesse était morte ; elle laissait la maison endettée à tel point, que sa propre sœur était forcée d’en sortir. Les autres religieuses, dont la dot était perdue en grande partie, avaient été recueillies dans les abbayes voisines par les soins de l’archevêque de Rouen, le propre frère de M. de Colbert.

Ainsi désormais, pour la triste Élisa plus d’asile. Hier encore elle allait de pair avec les plus nobles filles du royaume, aujourd’hui la voilà seule, abandonnée et sans autre espoir que la servitude. Hier encore elle avait tant d’amis et comptait tant de protections ! aujourd’hui, voici tout ce qui lui reste : un peu d’argent pour se rendre à Paris et une lettre de Mme de Gien, la survivante des deux sœurs, pour Mme l’abbesse des Miramiones, la digne fille de cette aimable et charmante Mme de Miramion, que feu M. le comte de Bussy-Rabutin avait enlevée en plein bois de Boulogne, avec l’aide et l’appui de Mgr le prince de Conti. Mais la vaillante femme, au fond de ce carrosse plein de ténèbres et de menaces, s’était résignée en chrétienne, et quand elle entra dans le château de son ravisseur, comme elle vit sur la muraille un crucifix, elle attesta la sainte image, et prit à témoin Bussy lui-même qu’elle n’aurait plus d’autre époux que Notre-Seigneur Jésus-Christ. Bussy courba la tête et reconduisit