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— Vous riez, disait-il, vous feriez mieux d’être un peu sérieux. Le proverbe est l’écho de la sagesse des nations.

— Monseigneur, repartit le comte de Silly, cette sagesse des nations se trompe assez souvent, j’en suis fâché pour elle. Encore aujourd’hui, elle en fait de belles avec moi, la sagesse des nations ! Il est écrit : A bon entendeur salut... J’ai entendu d’étranges choses sur mon compte, et qui sortaient cependant de charmantes bouches. Oui-da, je suis un rustre, un manant, un aveugle, un mal élevé, que dis-je ? un huguenot ! Et puis si mal vêtu, si mal poli et triste à l’avenant.

A chaque mot qu’il disait, pensez donc si la confusion des jeunes filles était grande, et la vive rougeur qui leur montait à la joue ! Elles eussent encore été sur le pont, qu’elles se seraient jetées à l’eau la tête la première.

— Eh bien, là, reprenait le marquis, vous n’avez pas la chance heureuse, mon cher fils ; à votre âge, et tourné comme vous l’êtes, le moindre écho vous devrait être indulgent et facile. Il disait de si belles choses à l’heure où le roi mon maître et moi nous n’avions que vingt ans. Telles furent les confidences de Mlle de La Vallière au moment où passait Sa Majesté non loin du bosquet des demoiselles d’honneur. Qu’il entendit de belles choses !

— Soyez sûr, Monsieur, reprit le colonel de Silly, qu’elles avaient vu tout au moins la silhouette du roi, ou qu’une branche indiscrète avait craqué sous ses pas. Si Sa Majesté eût été bien cachée dans le bosquet de Latone, elle eût peut-être entendu des vérités aussi cruelles... Mais quoi ! la vérité est si belle, elle a tant de charmes, s’il en faut croire la sagesse des nations.

Naturellement, Mlle de Silly fut la première à revenir de son trouble, et reprenant bientôt l’offensive :

Il n’y a que la vérité qui offense, reprit-elle avec