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italienne, où j’ai vu la petite Camille jouer le rôle de mère dans Arlequin perdu et retrouvé. »

Encore aujourd’hui, dans le vieux château, non loin de Mantes la Jolie, vous retrouveriez la trace et le souvenir de Laurette : « Il pleut, tout notre monde est à la maison ; les hommes jouent au billard, les dames lisent dans le premier salon, et moi, je suis restée dans le second, à lire et à vous écrire. Ce château est beau ; le jardin, surtout, est délicieux. Il y a des eaux magnifiques et de très belles promenades. Les appartements, quoique simples, sont fort nobles. J’ai une petite chambre dont les fenêtres donnent sur le parc. Elle est séparée de celle de ma mère par une antichambre et un cabinet. Je m’amuse assez ici ; nous nous promenons beaucoup. Je me lève quelquefois à six heures, et je vais réveiller mon père, qui loge dans le jardin, dans le corps de logis des bains, pour me promener avec lui. Cela dure jusqu’à huit heures ; ou bien, quand je me suis fatiguée la veille, je me coiffe, je m’habille, je travaille jusqu’à une heure et demie. Nous dînons à deux heures ; je reste quelque temps au salon, puis je me retire dans ma chambre jusqu’à l’heure de la promenade, qui a lieu ordinairement à six heures jusqu’à neuf. Nous soupons à dix heures. Telle est ma vie. »

Ainsi disaient nos grands-pères, sur le bord de l’abîme. On ne parle, en ces lieux paisibles, que de ballets, de comédies et d’opéras nouveaux. Mme de la Popelinière a chanté, sur le théâtre de Passy, le rôle d’Orphée (il ne s’agit pas encore du chevalier Gluck), en présence de la duchesse de Choiseul, de la duchesse de Grammont, du comte de la Marche et de l’ambassadeur d’Espagne. On a sifflé une comédie de Palissot, l’auteur des Philosophes, et la chute honteuse de Palissot a fait plaisir à tout le