Il y avait, au siècle passé, en l’an de grâce 1762, une jeune fille de
bonne mine, de belle et bonne maison, Mlle Laurette de Malboissière.
Encore enfant, son esprit brillait d’une grâce ingénue et déjà savante.
Elle apprit de bonne heure le grec et le latin ; à quinze ans, l’espagnol
et l’italien n’avaient plus de secrets pour elle ; elle lisait Shakspeare
en anglais et Klopstock en allemand. Trois fois par semaine arrivait
le maître de mathématiques et le maître à danser, le menuet et les
équations allant de compagnie. Elle écrivait en vers, elle écrivait en
prose. Au Tasse elle empruntait son Armide ; à l’Arioste son Angélique
et son Roland. L’une des premières, elle eut l’honneur d’étudier les
premiers tomes de l’Histoire naturelle de M. de Buffon, génie égal
à la nature, disait la statue élevée au jardin du Roi, par l’ordre
de Louis XVI. Ainsi se passait la journée, et, le soir venu, la
jeune demoiselle allait tour à tour, à la Comédie italienne, au
Théâtre-Français ; et le lendemain des grandes soirées, c’était merveille
d’entendre ce jeune esprit raconter à sa jeune cousine la comédie ou la
tragédie nouvelle : « J’étais hier, dit Laurette, à la Comédie