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maître, lui mit entre les mains une trompette achetée à la foire du Ludistan, et l’enfant, sur cette trompette, essaya, d’un souffle ingénu, l’air nouveau de Malbroug s’en va-t-en guerre. Bien qu’il fut assis en ce moment sur les marches du trône, nous ne voulons pas flatter le petit Noémi (rendons-lui aussi son nom) : il était un très chétif musicien ; il écorchait de la belle sorte le fameux air Malbroug s’en va-t-en guerre, et les courtisans les plus subtils se bouchaient les oreilles aux premiers cris de la rauque trompette. Eh bien, voilà justement ce qui sauva le trône de Lysis et de Lysida ; les ennemis qui s’étaient emparés du château, voyant que pas un n’accourait à leur rencontre, s’étonnèrent et s’inquiétèrent. « Il faut vraiment, disait le général ennemi, que l’on me tende un piège ; halte-là ! » Mais quand il entendit la trompette invisible et la chanson Malbroug s’en va-t-en guerre, il cria : « Sauve qui peut ! » Voilà comment, par la présence d’esprit d’un si bon chien et par une trompette en fer-blanc dont on ne voudrait pas à la foire de Saint-Cloud, fut délivré le château de Lysis-Lysida.

Le lendemain de cette nuit terrible, accourut le peuple enthousiaste en criant : Vive la reine et vive le roi ! « En ai-je assez battus ! » disait Lysis. « En avons-nous assez malmenés ? » disait Lysida. Le ministre et la dame d’honneur avaient leur part dans cette gloire improvisée, et pas un mot de l’épagneul Azor, pas un mot du petit Noémi et de sa trompette. En ce temps-là, les peuples étaient bien ingrats !

Quand ils se virent si peu récompensés, Azor et Noémi, s’ils avaient eu des âmes moins vaillantes, auraient désespéré de l’avenir ; mais le bel Azor : « J’avais tort, se dit-il, de négliger l’éducation de mon élève, il sera peut-être un jour quelque grand prince, et je veux lui enseigner l’art