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et connaisseuse en toutes choses, les plus rares et les plus exquises merveilles de ces arts singuliers dont le goût du roi Henri III fut la dernière expression.

A peine installée en ce lieu charmant, la reine Marguerite eut une cour brillante, non pas tant de soldats et de capitaines (ceux-là se pressaient autour du Béarnais), mais de beaux esprits, de poètes, d’historiens, de causeurs, attirés par la grâce et l’enchantement de cette aimable découronnée.

Il y vint un des premiers, le roi Henri IV ; il s’amusait à ces fêtes brillantes ; il se plaisait à ces surprises si bien ménagées. Il disait que toute la peine était au Louvre et tout le plaisir chez la reine Marguerite. Elle avait le grand art de plaire ; elle plaisait, même sans le vouloir. Henri IV la trouvait charmante, à présent qu’il n’était plus son mari.

M. de Sully, plus prévoyant, résistait à ces belles grâces, et quand la reine se plaignait des froideurs du premier ministre : « Il vous trouve un peu dépensière, disait le roi, et nous avons tant besoin d’argent !— Nous autres Valois, disait la reine en relevant sa tête fière, nous aimons la dépense et nous sommes prodigues.— Nous autres Bourbons, répondait le roi, nous aimons l’économie et nous sommes avares. » Il croyait rire, il disait juste. Ces princes de la maison de Valois étaient splendides en toutes choses, hormis ce qui les concernait personnellement ; les princes de la maison de Bourbon sentaient l’épargne. Mais la reine Marguerite laissait gronder M. de Sully et redoublait de magnificence. Henri, pour elle, était prodigue. On voyait qu’il ne pouvait guère se passer de cet aimable rendez-vous des belles causeries, des fêtes intimes, de la musique et de tous les arts.